14 septembre 2014

une inévitable série de problèmes

"Il connaît l'état d'époux, les inquiétudes et les tracas divers générés par le mariage : envie, suspicion, jalousie, et autres joyeusetés du foyer, l'âme des époux ignore la tranquillité et la paix. Dès qu'un être aimé entre dans notre existence, sans relâche on se ronge les sangs pour sa sécurité, sa santé, sa vie, son existence. On craint pour lui la maladie, la disparition, la mort. Le temps passant, l'entropie œuvrant, on se détache, on subit douloureusement une histoire dépourvue  de sens, l'habitude grise et terne mène la danse. Parfois, on se met à se détester, on entreprend de se séparer. Qu'on visite les tribunaux, propose le Père de l'Eglise, pour vérifier le bien-fondé de ses dires...

Le mariage n'allant jamais sans la paternité et la maternité, Grégoire de Nysse verrouille sa démonstration et conclut qu'avoir des enfants ou n'en pas avoir pose dans un cas comme dans l'autre une inévitable série de problèmes. La stérilité, le renoncement, tout autant que l'engendrement, génèrent une somme considérable de difficultés. La présence de bambins dans un foyer renvoie aux angoisses et craintes connues pour la personne aimée, elles sont semblables. On redoute la malformation, la naissance problématique, l'accouchement fatal pour la mère, le veuvage, la maison désertée par l'épouse et hantée par les cris de l'enfant orphelin. Leur présence induit des problèmes de vie quotidienne, leur disparition des douleurs abyssales.

Ni épouse, ni enfants. Se marier et engendrer force à composer avec le monde sur le principe de l'illusion, du mensonge et de l'hypocrisie. Erreurs, fausses appréciations, compromissions se partagent le quotidien avec l'épouse; angoisses, craintes, inquiétudes avec les progénitures. Et puis, faire des enfants contribue à la propagation du péché originel, à la transmission, via les générations, de la malédiction en vertu de quoi tout un chacun, dès qu'il naît, est assez vieux pour mourir. Vouloir la vie correspond à œuvrer aveuglément pour la mort; interrompre le processus d'engendrement, c'est accélérer l'avènement du salut par l'extinction de la douleur qui mène le monde - Schopenhauer s'en souviendra en invitant à épuiser le vouloir-vivre pour réaliser la béatitude d'un néant triomphant du négatif. »


Extrait de: Onfray, Michel. « Théorie du corps amoureux »

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