C'était, (...) l'aboutissement d'un
mouvement d'émancipation qui avait couvé pendant plusieurs décennies.
La contestation était en effet portée depuis un siècle
par différentes avant-gardes artistiques et esthétiques, et une envie de
plaisir s'était exprimée avec force chez les jeunes de l'après-guerre.
Des tabous qui sont tombés en Mai 68.
C'est
parce qu'ils étaient déjà morts, rongés de l'intérieur par toute une mentalité
démocratique et égalitaire. On s'était inventé un ennemi formidable et
mythique, le judéo-christianisme, pour mieux souligner la singularité de notre
temps. Mai 68, c'est l'acte d'émancipation de l'individu, qui sape la morale
collective.
Mai 68, c'est une révolution antiautoritaire, antitraditionaliste,
dans laquelle la sexualité agit comme un phare. Tout d'un coup, l'irruption de
la volupté! Au XVIIIe siècle, on disait "je vous aime" pour dire
"je vous désire". Cette fois, on dit "je te désire" au lieu
de dire "je t'aime".
Tout cela était enveloppé dans un discours intellectuel assez fumeux.
On théorisait beaucoup la sexualité.
L'amour libre s'est alors constitué en véritable idéologie, et même
en mystique. Le Graal du sexe allait apporter le bonheur...
il y avait de la naïveté et de la bêtise dans tout cela, mais
aussi une certaine générosité évangélique. On allait fabriquer un nouvel Adam.
Le sexe, c'était le jardin d'Eden! Chesterton a eu cette phrase géniale:
"Le monde moderne est plein d'idées chrétiennes devenues folles." La
révolution sexuelle en était une.
Oublié le mariage, méprisé le sentiment! Deleuze et Guattari parlent
même de "l'ignoble désir d'être aimé".
Ils ont
dit beaucoup de bêtises! Le corps apparaissant comme la métaphore de la
subversion, le sentiment est mis sous le boisseau. On se dit que, pendant des
siècles, les hommes avaient masqué leur désir derrière le rideau des beaux
sentiments.
L'inhibition et la frustration sont montrées du doigt; l'amour, avec
ses fantômes séculaires (possession, jalousie, secret), devient obscène. D'où
le refus de la séduction, considérée comme une survivance du vieux monde: on
est supposé aller vers son partenaire en toute franchise, sans recourir aux
anciens et misérables stratagèmes.
Et puis, on a osé... Certains, tels Roland Barthes (Fragments d'un
discours amoureux), Michel Foucault (Histoire de la sexualité),
Alain Finkielkraut et vous-même (Le Nouveau Désordre amoureux), ont
commencé à dénoncer cette grande illusion.
Nous avons voulu faire comprendre que la notion de
révolution sexuelle n'avait aucun sens. Que l'amour n'était pas réformable.
"Non, l'amour n'est pas honteux!" avance Barthes. Tout à coup, nous
revendiquions le sentiment comme plus révolutionnaire que le désir sexuel.
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