07 février 2014

le « jour de colère »

Georges Bernanos a tracé sur ce point des lignes décisives. Ecrivain royaliste et catholique intransigeant, il n'en reconnaissait pas moins la portée de 1789 : si la Révolution française a une valeur universelle, disait-il, c'est parce qu'« elle n'a pas été une explosion de colère, mais celle d'une immense espérance accumulée ».
Tout autre est la colère noire qui s'exprime aujourd'hui. Fille du désespoir, elle n'ouvre aucun avenir de liberté et ne prétend même pas ressusciter le bon vieux temps. Ni révolutionnaire ni réactionnaire, elle relève de cette dynamique venimeuse que le philosophe allemand Peter Sloterdijk a analysée dans Colère et temps (Libella Maren Sell, 2007).
Dans le passé, affirme-t-il, la colère a eu ses débouchés spirituels ou politiques, à commencer par l'Eglise catholique et l'Internationale communiste. Désormais, elle tourne à vide : « Nous sommes entrés dans une ère dépourvue de points de collecte de la colère », note Sloterdijk.
Ainsi, la colère ne trouve plus aucun exutoire universaliste, elle se déploie en une myriade de rages localisées et dispersées, qui ne produisent qu'un ressentiment généralisé, sans raison ni conscience. Voilà un autre point : tout comme elle ne promet rien, la colère ne veut rien savoir.
De Pierre Kropotkine à Albert Camus, l'esprit de révolte allait jadis de pair avec la quête de vérité. La fureur nihiliste qui descend maintenant dans la rue est aux antipodes de cela. « Il s'agit d'un extrémisme de la lassitude – une hébétude radicale qui se refuse à toute mise en forme ou en culture », ajoute Sloterdijk.

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